HUS (J.)

HUS (J.)
HUS (J.)

Passionnément attaché à la réforme de l’Église catholique, Jan Hus a dépassé les enseignements de John Wyclif par la hardiesse et l’étendue de son action qu’il a menée jusqu’au sacrifice suprême. Il apparaît ainsi comme le précurseur, à plus d’un siècle de distance, des grands réformateurs du XVIe siècle, de Luther en particulier, qui préfacera la publication de ses œuvres en Allemagne.

Aussi soucieux de justice sociale (aspect sur lequel insistent surtout les historiens marxistes) que de morale religieuse, il fut en même temps un patriote qui demeure pour les Tchèques l’incarnation de leur conscience nationale forgée dans les guerres hussites, l’auteur de l’affirmation qu’ils n’ont cessé de répéter dans les heures difficiles: «La vérité vaincra.»

Le réformateur

Originaire de la région de Prachatice, en Bohême méridionale, Jan Hus tient son nom de son village natal, Husinec. Étudiant pauvre à l’Université de Prague, il devient bachelier en théologie (1394), puis maître ès arts libéraux (1396). Ordonné prêtre en 1400, doyen de la Faculté de théologie de Prague l’année suivante, Jan Hus apparaît surtout comme le plus illustre représentant de ce courant de prédication réformatrice, né au milieu du XIVe siècle de la crise morale de l’Église tchèque, que le grand schisme d’Occident aggrave encore. À partir de mars 1402, ses sermons rassemblent régulièrement plus de trois mille personnes dans la chapelle de Bethléem, destinée aux prédications en langue tchèque. Orateur officiel des synodes annuels de Bohême et confesseur de la reine, Hus bénéficie d’abord de l’appui de l’archevêque et du roi Venceslas IV (1378-1419): jusqu’en 1408, c’est légalement qu’il prêche la réforme de l’Église et oppose la richesse corruptrice à la pauvreté évangélique. Car l’Évangile est, selon lui, la seule règle infaillible et suffisante de la foi, et tout homme a le droit de l’étudier pour son propre compte; il entreprend donc de le traduire en tchèque.

Alors que les querelles du schisme et la misère exaspèrent la haine entre Tchèques et Allemands de Bohême, Hus rappelle qu’il préfère «un bon Allemand à un méchant frère»; mais il lutte pour que les Tchèques soient maîtres en leur patrie. Revendiquant l’emploi de la langue tchèque dans la vie publique contre la prépondérance de l’allemand, il bannit les tournures germaniques et simplifie l’orthographe tchèque par l’introduction des signes diacritiques. Il écrit certains de ses ouvrages dans sa langue nationale. En 1409, il obtient du roi Venceslas le décret de Kutná Hora qui met fin, au profit des Tchèques, à la mainmise allemande sur l’Université, dont il est élu recteur. Il célèbre dans la victoire polonaise de Grunwald (1410) le triomphe de la justice et des Slaves opprimés.

Son admiration pour le théologien John Wyclif (1320 env.-1380), auquel souvent il se réfère, permet à ses ennemis de confondre sa cause avec celle du réformateur anglais et de l’accuser d’hérésie. Comme il refuse d’accepter la condamnation de Wyclif dont les ouvrages sont brûlés à Prague le 16 juillet 1410, une première excommunication le frappe en 1411, malgré l’appel adressé à Rome et le soutien du roi et des Praguois. Il n’en continue pas moins ses prédications; en 1412, il prononce d’ardents réquisitoires contre les indulgences dont la vente doit financer la guerre de l’antipape Jean XXIII contre Ladislas de Naples. L’exécution de trois de ses jeunes disciples dresse le peuple de Prague derrière son prédicateur. Cette fois, il est l’objet d’une excommunication majeure, et la ville est frappée d’interdit du moment qu’il y séjourne.

Hus se retire alors en Bohême méridionale, à Kozí Hrádek, où il prêche dans les campagnes et écrit des traités de théologie (De Ecclesia , 1413). En 1414, il est cité devant le concile de Constance. Muni d’un sauf-conduit (glejt ) de l’empereur Sigismond, il repousse les conseils de prudence et se met en route, logique avec lui-même: «Cherche la vérité, écoute la vérité, apprends la vérité, aime la vérité, soutiens la vérité, défends la vérité, jusqu’à la mort», avait-il enseigné à ses «frères» de Prague. À peine arrivé, il est jeté en prison; il y écrit ses Lettres de Constance. Ni les tentatives de persuasion, ni les sévices des pères du concile, ni l’appel à «l’autorité de la tradition» ne parviennent à lui arracher une rétractation. Ses écrits sont condamnés au feu; lui-même monte sur le bûcher des hérétiques le 6 juillet 1415, et ses cendres sont jetées dans le Rhin. Sa mort, dont l’anniversaire sera célébré avec ferveur, fait de la réforme une révolution nationale.

Les guerres hussites (1419-1437)

Dès septembre 1415, la Diète des seigneurs de Bohême envoie une protestation indignée contre la décision du concile. Le peuple vénère Hus comme un saint et un martyr. La foi nouvelle et la nationalité tchèque se confondent dans l’emblème du calice (symbole de la communion sous les deux espèces, sub utraque specie ) derrière lequel les Tchèques résistent à Rome et à l’empereur germanique, héritier honni du roi Venceslas. La «défenestration» à Prague, le 30 juillet 1419, des notables catholiques est le signal de l’insurrection ouverte des hussites qui, durant dix-huit ans, tiennent tête aux cinq croisades que l’Europe envoie à l’appel du pape et de Sigismond pour écraser les «hérétiques». Dans le vocabulaire français, «praguerie» remplace alors révolution.

Les quatre «Articles de Prague» (1420) forment le programme commun des hussites. Ils exigent la libre prédication de l’Écriture, la communion sous les deux espèces, la confiscation des biens du clergé, la répression des péchés mortels et spécialement des scandales publics. Le principe de la libre interprétation de l’Évangile et les clivages sociaux divisent les hussites en partis ennemis.

Prague, après l’élimination des «gueux» (9 mars 1422), devient un centre du parti modéré, dit utraquiste ou calixtin, ouvert à un compromis avec Rome. Tábor, en Bohême du Sud, camp retranché fondé en 1420 par les pauvres des cités et des campagnes exaltés par les prédications chiliastiques (ou millénaristes), est le bastion des radicaux et proclame la communauté des biens, l’égalité absolue, la souveraineté du peuple et le sacerdoce universel. Autour des taborites, Jan face="EU Caron" ォi face="EU Caron" ゼka, seigneur de Trocnov, unifie les troupes populaires en une armée: celle-ci, remarquable par sa rigueur morale, sa discipline, son fanatisme, et célèbre pour la beauté de ses chants de combat et de prière, préfigure les «têtes rondes» de Cromwell. Jusqu’à sa mort en 1424, «Frère face="EU Caron" ォi face="EU Caron" ゼka du Calice», le chef borgne puis aveugle, terrifie les croisés par les manœuvres de ses célèbres chars et le tir des canons et des arquebuses que son infanterie manie aussi habilement que les fléaux et les piques. Grâce aux victoires remportées à Vitkov (devenue face="EU Caron" ォi face="EU Caron" ゼkov, 1420), à Pankrác (1420), à Kutná Hora (1422), les «Combattants de Dieu» sauvent Prague et dominent toute la Bohême. À partir de 1426, Procope le Grand conduit les «chevauchées magnifiques» des hussites en Allemagne, en Autriche et en Hongrie, afin de propager «la vérité de Dieu». La défaite de la croisade du cardinal Cesarini à Doma face="EU Caron" ゼlice (1431) incline l’Église à composer avec «l’hérésie» pour la première fois de son histoire.

Les Compactata de Bâle (1433), conclus avec les modérés, accordent aux Tchèques la communion sous les deux espèces et la lecture en tchèque de l’Épître et de l’Évangile. La lassitude et l’or du concile contribuent à grossir le camp utraquiste qui écrase, le 30 mai 1434, à Lipany, Procope et les taborites, défenseurs irréductibles des quatre Articles. La Bohême fait sa soumission à l’empereur-roi Sigismond (1436). Au printemps 1437, Sion, dernier retranchement taborite, est pris d’assaut. Paix boiteuse, bientôt violée par Rome; ce n’est qu’après 1512 que les Compactata procurent la sécurité à l’utraquisme: pour les avoir défendus contre les nouvelles croisades, Georges de Pod face="EU Caron" ガbrady demeure «le roi hussite» (1458-1471). Par la suite, l’utraquisme perd peu à peu de ses forces vives: l’«Unité des frères» s’en sépare pour demeurer plus fidèle aux leçons de Hus; la réforme luthérienne attire les deux tiers de la population tchèque qui reconnaît la Confession de 1575, inspirée de celle d’Augsbourg. Enfin, la répression qui suivit le désastre de la Montagne Blanche (8 nov. 1620), où les Tchèques furent écrasés par les troupes impériales de Ferdinand II, anéantit définitivement le mouvement hussite.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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